France - RFA (2007 Edition)
La République Française s'est dotée en 1999 d'un logo unique destiné à orner toute communication d'un organe de l'État - ministère, commission administrative, préfecture, notamment.

Ce logo élaboré sous la direction du Secrétariat à l'Information du Gouvernement illustre, comme le néohaussmanien, les goûts et travers de la pictographie et de la culture politique française.
L'image est organisée en 3 strates horizontales et 3 rangées verticales, rythmées par couleurs, mots, typographies. De gauche à droite, c'est bleu-marianne-rouge, liberté-égalité-fraternité. De haut en bas, drapeau+marianne, italiques semi-sérif d'une police indécise, et puis les bonnes vieilles CAPITALES de majesté à la française, aux initiales elles-mêmes capitalisées (pour faire comprendre la signification du "RF" qu'ils voient sur leur mairie?), le tout surligné d'un trait noir bien rectangulaire délimitant un compartiment à part pour cette partie du logo.
En termes de volumes, on a :
1. le drapeau. Il se répartit assez régulièrement entre bleu, blanc et rouge, quoiqu'un on observe une préséance visuelle de Marianne sur le fond contrasté et une surreprésentation du bleu, favorisé par l'orientation à droite du regard de Marianne. Dont le centre du bonnet phrygien est parfaitement centré par rapport au reste de l'image.
2. le panneau "République Française". Typographié en capitale, isolé par une ligne, c’est le texte principal - et c’est logique puisqu’il signe le document. La typographie évoque un sage, classique et élégant Garamond (ouverture du P, allongement de la queue du Q, cédille vers la gauche), mais compacté et modernisé de façon d’ailleurs assez réussie - si ce n'était la capitale.
3. La devise. Liberté, Égalité, Fraternité, allongée discrètement sous le drapeau-marianne, elle semble chercher à lui donner sens tout en restant, de par sa typo inspirée de la fin XVIIIe, un pur logo qui renvoit à un système de représentation bien assimilé plus qu’à une signification particulière.
Au final, un logo très rempli où s’entassent toutes sortes de références à la Grande histoire tendues vers un point de focal, la Révolution. La foire aux symboles est généreuse, elle n’oublie personne : il y a la figure de la femme échevelée et de la mère au visage ferme, la devise prometteuse pour le pauvre, la typo rassurante pour le citoyen. Sans que personne ne sache vraiment ce que tout cet emboîtage signifie.
Tout cela cherche à vivre dans ce cadre étroit (1x3 cm environ) qui orne les documents de l’Administration, soucieuse de faire rêver, elle aussi.
Et c’est là qu’est le hic.
De quelle signature s’agit-il? On trouve le logo indifféremment, ou avec quelques légères variantes (addition du nom du service) sur tous types de documents qui vont des communiqués de presse de l’Élysée aux pages internet du MAE, jusqu’aux amendes du Trésor Public et au redressement du Ministère des Finances.
Comparons ce logo avec son équivalent allemand, qui est un peu aussi son tonton puisqu’il date de 1995.
Il y a très peu de choses. À gauche, l’aigle aux ailes rentrées, qui renvoie à l’histoire allemande sur la durée puisque l’animal est symbole non du pays, mais du Principe d’ordre légitimant l’existence d’un gouvernement depuis le Moyen-Âge. À droite, dans une typo très efficace, percutante, calme et moderne, aligné sur les formes de l’aigle, “Le Gouvernement Fédéral”. Entre les deux, pivot de l’image, ce qui donne sens au texte et au symbole, un large trait aux couleurs de la nation réunifiée.
Pas de devise, pas de prétention. Du pur fonctionnalisme, qui ne ment pas et qui encadre la pratique administrative dans la sobriété et la conformité à ce qu’elle est. Le Gouvernement. L’ordre. La responsabilité, car on ne voit que lui dans cet océan de blanc.
Lire le texte est comme un jingle, grâce au renvoi à la ligne qui scande les deux mots. Die. Bundesregierung. Ca pourrait être une percu des années 70 (la tonique est sur le 'und')
Dans ses variations, le texte à droite est remplacé dans la même typo par le nom de l’office concerné.
Il n’y a rien à retirer, les symboles renvoient directement à leur contenu, la lisibilité est immédiate. L’occasion de citer le mot de Saint-Exupéry si vénéré outre-Rhin : la perfection est atteinte non quand il n’y a plus rien à ajouter, mais quand il n’y a plus rien à retrancher.
En comparaison, le logo RF est gras comme un bar à tapas, prétentieux et parfaitement hypocrite. La République m’écrit!, pense-t-on en ouvrant une lettre du Trésor public, qui place le logo au centre en haut de ses courriers. Ah non, c’est le Trésor Public, dit le coin en haut à droite. Ou peut-être le MINEFI, râle le logo du Ministère de l’Économie en bas au centre de l’espace. Le tout en grosses tâches noires, puisque notre beau drapeau se transforme en bon pâté noir du terroir en noir et blanc.
Et ainsi ressort cette particularité française à la source de bien des ambiguïtés. La République Française est-elle le nom du Gouvernement (l’exécutif)? De l’État? De la Ve République? De ‘l’Administration”? D’un catalogue de symboles qui renverrait à l’idée républicaine depuis 1789? Ces valeurs proclamées sous le drapeau, sont-elles celles de la Nation, celle du collectif dont je fais partie, donc mes valeurs? Sont-elles les principes contraignants l'action de l'exécutif? Mais ça nous savons que ça n'est pas le cas, l'exécutif n'est pas soumis à ce triptyque qui trouve plus de sens dans le Code civil que dans les courriers du MINEFI. L'amende, c'est la fraternité! Je serais frère avec toute la terre, pour ma part. Et Marianne l'affranchie, pourquoi est-elle sortie des pièces de monnaie? Le bonnet phrygien de l'insurrectionnel paraît peu propice à représenter un État de droit...
En définitive, ce logo ment sans mentir, en cherchant à servir une soupe frelatée mais en suggérant que c'est ce que tout le monde veut sur sa table. Le Gouvernement/État/République est un sauveur, un garant de principes généraux dont la force individuelle disparaît derrière l’abstraction du slogan, quelque chose de beau qui peut ressembler à une femme et de fédérateur qui peut soutenir les 3 couleurs au dessus de sa tête. Et une administration empêtrée dans ses services qui dissimule sa responsabilité derrière de belles valeurs et la Grande Histoire? Pouah, bien sûr que non.
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