27 août 2007

Le Jokari

Le Jokari est un jeu solitaire et ridicule.

Il s'agit d'un dispositif très simple: il faut disposer d'une aire de terrain relativement vaste, plate et dure. Le béton est un revêtement particulièrement adapté. au centre de ce terrain, placer le socle lesté qui sera le centre de gravité du jeu. A ce socle est attachée, par un élastique de plusieurs mètres de long, une petite balle en caoutchouc, relativement rebondissante, sans toutefois en faire trop, et souvent de couleur vive. Mon jeu de jokari était doté d'une balle d'un rose fluorescent que j'avais arbitrairement décrété "plus belle couleur du monde". C'était les années 80, limite 90. Tout fashion statement proféré à cette époque peut être attribué à l'inversion des pôles magnétiques et ne peut en aucun cas être retenu à la décharge de son auteur.

Succédané de jeu de raquettes conçu pour occuper les longs après-midi d'été d'une pré-adolescence timide et solitaire, il se joue souvent seul. Les couples de joueurs hilares représentés sur les emballages des Jokaris trouvés dans le commerce ne sont qu'un leurre qui ne trompe en aucun cas les consommateurs désabusés.


Tout l'intérêt du Jokari réside dans son élastique. Fin et résistant, c'est son action qui va conditionner le renvoi de la balle. Il faut donner un bon coup de raquette pour envoyer la balle de caoutchouc rose le plus loin possible, vers l'horizon. La balle, parvenue au point de tension maximum, revient vers le joueur ridicule et solitaire, rebondit une fois, et le processus recommence jusqu'à:
  • lassitude du joueur
  • rupture de l'élastique
Le Jokari, peut-on dire, c'est comme envoyer une balle contre un mur, à la différence près qu'on frappe la balle dans le vide.

Ce soir, j'ai 12 ans et je m'échine à lancer une balle de plastique rose qui me revient, inlassablement, en rebondissant mollement.

21 août 2007

France - RFA (2007 Edition)

La République Française s'est dotée en 1999 d'un logo unique destiné à orner toute communication d'un organe de l'État - ministère, commission administrative, préfecture, notamment.

Ce logo élaboré sous la direction du Secrétariat à l'Information du Gouvernement illustre, comme le néohaussmanien, les goûts et travers de la pictographie et de la culture politique française.

L'image est organisée en 3 strates horizontales et 3 rangées verticales, rythmées par couleurs, mots, typographies. De gauche à droite, c'est bleu-marianne-rouge, liberté-égalité-fraternité. De haut en bas, drapeau+marianne, italiques semi-sérif d'une police indécise, et puis les bonnes vieilles CAPITALES de majesté à la française, aux initiales elles-mêmes capitalisées (pour faire comprendre la signification du "RF" qu'ils voient sur leur mairie?), le tout surligné d'un trait noir bien rectangulaire délimitant un compartiment à part pour cette partie du logo.

En termes de volumes, on a :

1. le drapeau. Il se répartit assez régulièrement entre bleu, blanc et rouge, quoiqu'un on observe une préséance visuelle de Marianne sur le fond contrasté et une surreprésentation du bleu, favorisé par l'orientation à droite du regard de Marianne. Dont le centre du bonnet phrygien est parfaitement centré par rapport au reste de l'image.

2. le panneau "République Française". Typographié en capitale, isolé par une ligne, c’est le texte principal - et c’est logique puisqu’il signe le document. La typographie évoque un sage, classique et élégant Garamond (ouverture du P, allongement de la queue du Q, cédille vers la gauche), mais compacté et modernisé de façon d’ailleurs assez réussie - si ce n'était la capitale.

3. La devise. Liberté, Égalité, Fraternité, allongée discrètement sous le drapeau-marianne, elle semble chercher à lui donner sens tout en restant, de par sa typo inspirée de la fin XVIIIe, un pur logo qui renvoit à un système de représentation bien assimilé plus qu’à une signification particulière.

Au final, un logo très rempli où s’entassent toutes sortes de références à la Grande histoire tendues vers un point de focal, la Révolution. La foire aux symboles est généreuse, elle n’oublie personne : il y a la figure de la femme échevelée et de la mère au visage ferme, la devise prometteuse pour le pauvre, la typo rassurante pour le citoyen. Sans que personne ne sache vraiment ce que tout cet emboîtage signifie.

Tout cela cherche à vivre dans ce cadre étroit (1x3 cm environ) qui orne les documents de l’Administration, soucieuse de faire rêver, elle aussi.
Et c’est là qu’est le hic.

De quelle signature s’agit-il? On trouve le logo indifféremment, ou avec quelques légères variantes (addition du nom du service) sur tous types de documents qui vont des communiqués de presse de l’Élysée aux pages internet du MAE, jusqu’aux amendes du Trésor Public et au redressement du Ministère des Finances.


Comparons ce logo avec son équivalent allemand, qui est un peu aussi son tonton puisqu’il date de 1995.




Il y a très peu de choses. À gauche, l’aigle aux ailes rentrées, qui renvoie à l’histoire allemande sur la durée puisque l’animal est symbole non du pays, mais du Principe d’ordre légitimant l’existence d’un gouvernement depuis le Moyen-Âge. À droite, dans une typo très efficace, percutante, calme et moderne, aligné sur les formes de l’aigle, “Le Gouvernement Fédéral”. Entre les deux, pivot de l’image, ce qui donne sens au texte et au symbole, un large trait aux couleurs de la nation réunifiée.
Pas de devise, pas de prétention. Du pur fonctionnalisme, qui ne ment pas et qui encadre la pratique administrative dans la sobriété et la conformité à ce qu’elle est. Le Gouvernement. L’ordre. La responsabilité, car on ne voit que lui dans cet océan de blanc.
Lire le texte est comme un jingle, grâce au renvoi à la ligne qui scande les deux mots. Die. Bundesregierung. Ca pourrait être une percu des années 70 (la tonique est sur le 'und')
Dans ses variations, le texte à droite est remplacé dans la même typo par le nom de l’office concerné.
Il n’y a rien à retirer, les symboles renvoient directement à leur contenu, la lisibilité est immédiate. L’occasion de citer le mot de Saint-Exupéry si vénéré outre-Rhin : la perfection est atteinte non quand il n’y a plus rien à ajouter, mais quand il n’y a plus rien à retrancher.

En comparaison, le logo RF est gras comme un bar à tapas, prétentieux et parfaitement hypocrite. La République m’écrit!, pense-t-on en ouvrant une lettre du Trésor public, qui place le logo au centre en haut de ses courriers. Ah non, c’est le Trésor Public, dit le coin en haut à droite. Ou peut-être le MINEFI, râle le logo du Ministère de l’Économie en bas au centre de l’espace. Le tout en grosses tâches noires, puisque notre beau drapeau se transforme en bon pâté noir du terroir en noir et blanc.

Et ainsi ressort cette particularité française à la source de bien des ambiguïtés. La République Française est-elle le nom du Gouvernement (l’exécutif)? De l’État? De la Ve République? De ‘l’Administration”? D’un catalogue de symboles qui renverrait à l’idée républicaine depuis 1789? Ces valeurs proclamées sous le drapeau, sont-elles celles de la Nation, celle du collectif dont je fais partie, donc mes valeurs? Sont-elles les principes contraignants l'action de l'exécutif? Mais ça nous savons que ça n'est pas le cas, l'exécutif n'est pas soumis à ce triptyque qui trouve plus de sens dans le Code civil que dans les courriers du MINEFI. L'amende, c'est la fraternité! Je serais frère avec toute la terre, pour ma part. Et Marianne l'affranchie, pourquoi est-elle sortie des pièces de monnaie? Le bonnet phrygien de l'insurrectionnel paraît peu propice à représenter un État de droit...

En définitive, ce logo ment sans mentir, en cherchant à servir une soupe frelatée mais en suggérant que c'est ce que tout le monde veut sur sa table. Le Gouvernement/État/République est un sauveur, un garant de principes généraux dont la force individuelle disparaît derrière l’abstraction du slogan, quelque chose de beau qui peut ressembler à une femme et de fédérateur qui peut soutenir les 3 couleurs au dessus de sa tête. Et une administration empêtrée dans ses services qui dissimule sa responsabilité derrière de belles valeurs et la Grande Histoire? Pouah, bien sûr que non.

01 août 2007

2007, l'odyssée de l'homme-tronc

C'était aux temps primitifs, l'humanité ne connaissait pas encore le string pour homme et les femmes arboraient des toisons luisantes de mille feux. C'était 1976.

L'homme découvre Calmos, de Bertrand Blier.


Après avoir fui les villes et ses féministes hystériques pour retrouver les plaisirs simples de la vie grâce à un curé rubicon, deux hommes sont chassées par des amazones nymphomanes regroupées en escadrons.
La chasse au pénis est ouverte, lapin-lapin en liberté que Bau-Bo veut remettre à sa place, bien accroché à sa toison.


En 2007, les filles se carressent en soutien-gorge blanc. Il fait beau, le réchauffement climatique rend la lumière comme dans des films avec brigitte lahaye.





L'homme de 1976 résiste.




Et l'homme de 2007? Il ne s'en tiendra pas là, qu'on se le dise.