30 novembre 2006

Unemployment Weekly

Le travail de sape à l'encontre des chômeurs continue d'être mené dans la presse gratuite. Paru, en grasse évidence, dans les premières pages d'un Métro de la semaine, cette jolie petite phrase de Monseigneur Patrick Devedjian, à qui pourtant l'on avait rien demandé :

"Il me semble préférable de travailler le dimanche que d'être au chômage."

Soustache, qui rêve d'une semaine qui ne serait que Vendredis soirs et Dimanches matins, reste interdite devant le tour que prend la folie des hommes.


Playlist : The Velvet Underground and Nico, Sunday Morning

Les flotteurs

ACTE I, SCÈNE 3

V. [2 bouteilles à la main, s'approchant d'une fille]
Oooh, incroyable, une fille avec des seins qui brillent!
je peux toucher? c'est la rébou qui fait que tu scintilles?

La fille
Non. Ces seins sont un système de luisants ballons.

V.
Eh mais tu es amusante comme un rhododendron!
Je touche quand même pour voir si tu dis vrai
[il pose sa main sur ses seins]

Enter Elle

La fille
Retire ces mains tout de suite s'il te plait

V.
Et bien tu disais juste : tes seins n'ont aucun intérêt
[il se retourne et tombe face à Elle]
Je... que.... Est-ce l'alcool qui me trahit
Ou est-ce bien Elle que je vois, ici?
[il fait un pas]
Nous... nous connaissons... déjà....

Elle (solennelle)
Je reconnais ce visage, et cette voix

V.
C'est incroyable, c'était il y a neuf mois, ici....

Elle
Et tout ce temps tu ne m'as jamais écrit!

V. exalté
Je n'ai fait que ça! Et jamais de réplique!
Mille courriers envoyés! Toujours à sens unique!
J'ai fait louer des avions, passer des messages
À la télé, dans les clubs ; ton nom dans tous les paysages!

Elle
Je n'ai rien vu. Rien entendu.
Tu t'es chié dessus.

V.
L'important était de te revoir
C'est chose faite, ainsi triomphe l'espoir!

Elle
Tu n'as pas attendu, j'espère, car ç'aurait été vain

V.
C'est faux, je sens la puissance du présage

Elle
Ne bouge pas, je reviens…
[elle part en courant]

V.
Heu, je connais cette phrase...

Les flotteurs

ACTE I SCÈNE 2
Même endroit, V., seul dans un coin, 2 verres à la main

S.
Tu as fait sécession de la dynastie ming?

V.
Juste à temps j'ai fui, et évité le dancing.
Et toi? Tu as quitté le ring?

S.
Le combat fut rapide. Le black dansait pas mal
Mais vraiment, rien à faire, il pue comme 100 chacals

V.
Quel marasme. Toute la marchandise est périmée

S.
Cette situation est connue,
Elle s'appelle début de soirée

V.
ça ne ressemble à rien, cette fête est un vieux jus
fait de filles frelatées et de gueules à frapper

S.
Tu délires, bois tes verres et viens enfin dancer

V.
Je peux pas : la chinoise. Il me faut rester caché
Tout en me montrant bien et pouvoir tout scruter.

S.
Tu es vraiment de plus en plus énigmatique
Je ne comprends rien à ta problématique
Bois autant que tu peux, tu as l'air en panique

28 novembre 2006

Soustache au Job - Prologue - Une bien jolie ribambelle de connes

Soustache s'y résout : elle a bel et bien un nouveau job, quoique totalement inintéressant, avec un bureau, un ordinateur, les logiciels essentiels pour avoir plusieurs fenêtres ouvertes en même temps, une connexion internet, une lampe de bureau, un pot à stylos qui ne porte qu'un bic déjà tout bouffé au bout, et une sorte d'étagère à papiers dans lequel dorment quelques papiers, pour la forme. Et surtout, un nouveau job avec de nouveaux collègues.

Si Soustache aux Ass & Dick était une série qui avait pris le parti audacieux de ne suivre qu'un seul personnage dans sa lutte contre l'ennui et la vie normale, à l'instar de My So Called Life, avec Claire Danes et Jared Leto, obscure série de moins de dix épisodes au destin tragique, qui était pourtant pas si mal foutue pour une série de moins de dix épisodes, La Production a décidé de changer de cap en proposant aux lecteurs avides une série moderne, complexe, avec plein de personnages dedans, et des scènes de moins de deux minutes en champ-contre champ.

Cela fait exactement 23 jours qu'elle les observe, désormais, ses petites collègues de Blondivie, s'agiter frénétiquement dans leur petit bocal du dernier étage. Son jugement est établi, irrémédiablement, sur la plupart d'entre elles. Elle a surtout focalisé sa haine et son mépris sur une certaine Mademoiselle O.
Nous avons retrouvé quelques messages électroniques d'appel au secours, envoyés à ses amis Jane et Mourcil, que nous compilerons ici pour planter le décor et rattraper le temps perdu.
Voici la première de ses Brèves de Job dans laquelle apparait Mademoiselle O. Notez le souci d'exactitude dans la transcription des faits réels :

-Oh, il parait qu'on va avoir un sapin de noel!
-Un sapin de noeeel???? troooop biiiiennnn!!!
-OUAIS cooooooool!!!!
-Oh, j'espère qu'il sera graaaaaannnd!
-Ouiiiiii, avec des décoratiooooonnnns!
-Moi ce que je préfère, c'est les guirlandes, c'est hyper kitsch-flashy mais j'adooore
-Ah, moi je préfère les boules.

L'une des deux :
-a une écharpe rose
-Adoooore Eurodisney
-Son attraction préférée à Eurodisney c'est (vraiment!!) "le monde des poupées", tu sais le truc anxyogène au possible avec des poupées sous coke qui chantent avec une voix suraigüe "it's a small world after all" sans discontinuer pendant la durée de ton trajet dans une embarcation rose avec des fleurs dans le but évident d'attiser en toi haine, violence, et pulsions.
-préfère les boules.


Quelques jours plus tard, Mademoiselle O dévoila une autre facette de sa personnalité extraordinaire :

Ma Brève de Job concerne Mademoiselle O., celle qui aime Eurodisney et le circuit des Poupées, qui met des écharpes roses et qui préfère les boules.
Mademoiselle O. est UMP. profondément, entièrement, étonnament UMP. m'a t on confié ce matin, puisque par extraordinaire j'arrivai en premier au boulot (Migouman avait décidé de montrer à son Job à lui kiké le plus fort en arrivant à l'heure, donc tôt, et la présence angoissante de Maria, la femme de ménage chantante dans son appart me convainquit de partir avec lui), donc avant Mademoiselle O.
Nous parlâmes bien sur du phénomène, que dis-je, de l'évènement Ségolène Royal. Et Loulou, dans ses bons jours question humour de me dire : "tu vas voir la tête d'O en arrivant. Rien que le fait qu'on parle du PS toute une soirée, ça la rend folle".
en effet. j'ai constaté.
en fin de réunion, Loulou, taquine, invite O. à s'exprimer sur le sujet, me clin- d'oeillant malicieusement.
la réponse d'O. fut la suivante : "Non mais à la limite tant mieux. moi, j'ai entièrement confiance dans le machisme des Français."
Beau. grand. belle implication politique. je n'ose pas imaginer ce qu'elle aurait pu dire si Strauss Kahn avait été institué.


Le jour même, Mademoiselle O. (O comme trou du cul) devint la cible officielle de Soustache, qui l'institua en Némesis personnelle:

J'ai une cible, une target, un objectif, un point de mire, une petite figurine qui gesticule dans mon viseur.

O. a mangé à ma table et je ne suis plus que haine mêlée de stupeur, de mépris et de violence acerbe.
O. écoute Marie Laforêt, O. veut des enfants "parce que c'est trop mignon, et puis ça aime leur maman les enfants" (elle a un maniement stupéfiant des déterminants), O. aime pas trop la mer "parce que c'est trop froid" et parce qu'elle préfère la montagne, O. aime pas trop la sauce pimentée "parce que ca PIQUE!!!", O. me coupe la parole pour HURLER : "Alors t'as pris du pouLET au caraMEL? ALORS c'est BON? MAIS c'est PAS du poulet au carAMEL!!!!" (merci O.)


Quand excédée par ses hurlements, sa conversation inepte et envahissante, ses fous rires quand Milly Vanilly raconte pour la 10 000e fois l'histoire du mec dans son collège qui a littéralement pris la porte (histoire tellement banale et tellement ressemblante à une blague de Toto que je le soupçonnne de se l'être frauduleusement appropriée) et qu'elle braille "Alors tu VOIS ça c'est typiquement le genre d'humour que j'AIME, hein, on se prend pas au sérieux et on joue sur les mots, ça me fait RIRE!!!", je lui ai demandé, du haut de tout mon mépris et de mon étonnement non feint : "non mais O****, dis moi ton secret, tu prends des trucs, non? t'as mis en place un système d'apports en vitamines hyper évolué?" elle me répond :

"NON MAIS CA VA PAS NON?!!!! NON MAIS NON HEIN, MOI JE PRENDS RIEN DU TOUT, ET JE VOIS MEME PAS POURQUOI TU DIS DES TRUCS COMME CA!"

Du coup elle me fait la gueule, ce qui nous arrange, moi et mes tympans.
je ne vois que deux explications possibles : soit elle est entièrement, profondément dépressive, soit elle prend effectivement des trucs, soit les deux. Je fais trop confiance à la nature et à l'évolution pour croire à un tel degré de connerie spontanée.
Je me suis trouvé un allié inattendu en la personne du Scout. qui finalement n'est pas de droite. enfin qui le laisse entendre mais qui ne l'est pas (il parle de sa famille de "bourgeois conservateurs" comme s'il les avait mis sous verre afin de les observer à loisir, en lachant un pet sonore et malodorant de temps à autre sous le globe de verre histoire de voir leurs réactions). Qui est arrivé ce matin avec un gros sac a dos et un duvet et qui m'a dit "devine qui va à un camp scooouuut? et ouais, c'est moi cette fois" (alors qu'en fait il a mis toutes ses fringues dans le sac et qu'il va passer le week end dans une maison rébou en normandie mais il sait meme pas où.). Qui a l'impression que les RP, ça revient au meme que vendre de la lessive. Qui déteste O. peut-etre encore plus profondément que moi. et qui lui exprime plus clairement :
"Ah OUAIS alors ce coin là J'ADORE! la TRINITE c'est les VACANCES DE MA VIE!"
"Donc tu es vraiment de droite."

poum. uppercut. je lui ai fait une révérence des yeux, pleine de respect et d'admiration. Nous nous sommes compris. Il est totalement asocial, et finalement, il n'a pas tort.


Quelques jours plus tard, la guerre, la vraie, était déclarée entre Soustache et O. :
Le reste de la vie ça va, j'ai toujours pas tué O, mais ça ne saurait tarder. hier, en "formation commerciale" (HAHAHA) elle s'est assise à coté de moi (au secours) et m'a regardée comme un extra terrestre parce que j'ai osé tremper ma madeleine dans mon café. du coup je me suis tournée vers elle, et avec la bouche pleine de bouillie marronnasse, je me suis exclamée "MMMMMM, chadore cha".
elle avait l'air dé-gou-tée.
Soustache : 1 - O.: 0
J'ai reçu sur ma boite mail le millier de photos de ma gueule prises par le pote photographe de Djonathan pour le futur site web. omygod. soit le photographe est une merde, soit je suis un monstre avec une sérieuse hypertrophie des joues et personne n'ose me le dire. Bien sur, O. a dit : "ah non, mais t'es vraiment BIEN sur les photos" (genre si tu savais ce que ça donne en vrai, tu serais déjà en train de lécher les pieds du photographe. Et son objectif). ça m'a déprimée pour l'aprem.
Soustache : 1 - O : 1. La pute.

Soustache parviendra-t-elle à rendre la pareille à O.? O. sera-t-elle retrouvée morte au milieu du boulevard Sébastopol, victime d'une chute de 7 étages, une boule de noël dans la bouche? Soustache prendra-t-elle un aller simple pour le Brésil? Et le Scout dans tout ça, quelle est sa vraie nature?

Playlist O. : Chucky, It's a small world after all
Playlist Soustache : Radiohead, How to disappear completely (and never be found)

20 novembre 2006

L'opéra des flots de l'an saint

Après quelques années d'absence, le théâtre revient...

ACTE I SCÈNE 1


Un vaisseau sur le fleuve. Quelques canots l'entourent, jouant avec le courant. À l'intérieur, un son techno sale et saccadé anime des silhouettes surmontées de visages qui se guettent en s'emplissant d'alcool.

Swanda, un verre à la main
Que la chasse soit ouverte dans cette forêt bien remplie,
Où tout n'est que gibier et proie de nos envies ;
Buvons à cette soirée et aux prises de notre nuit!
[elle lève un verre de champagne]

Valmour, distrait
Tu sais combien cette nourriture
M'inspire et plaît à ma nature...
[il lève son verre]
Mais ma présence ici est pour un dessein particulier
Que les dieux me permettront, ou pas, d'honorer
[il vide son verre]

Swanda
Est-ce cette énigme qui semble t'assombrir
Et te faire oublier que ces corps sont là pour jouir?

Valmour
Tu le sauras... Mais pas maintenant.
[à lui-même]
Neuf mois, le temps d'un enfant...

Swanda
Tu dis...?

Valmour
Rien, rien...
Je me rendais à tes arguments…
[tournant la tête]
Tiens, observ' cette chinoise au regard alcoolique,
Chef d'oeuvre à sa façon de laideur psychédélique

Swanda, regardant de l'autre côté
Je vois beaucoup mieux ce grand Sarazin
Dont je lis le corps comme une gitane, une main

Valmour, narquois
Est-ce la bonne aventure qui animera ces palmes...

Swanda
Ta jalousie est vaine et ne trouble pas mon calme.
Lui, en revanche, pourrait enflammer mon napalm...
[elle rejoint le sarazin]

Valmour, à lui-même
Tant de visages, et pas un de connu
Et surtout pas celui pour qui je suis venu

La Chinoise [s'approche puis se colle à lui]
Miaou miaou, je vois tes yeux qui me harponnent
Moi qui pensais ici ne connaître personne,
Enflamme moi vite avec une allumette

Valmour
... Étrange poisson
Qui appâte son pêcheur avec des cigarettes...
[à lui-même]
L'océan Nymphomanie est une grande maison,
Mais as-t'on déjà vu sirène avec une si laide tête?
[à elle]
Tiens, ce briquet pour enflammer ce que tu dis...

La chinoise
Quelle flamme immense...
oh, quelle étourdie,
Le cigare est tombé... Ne me regarde pas baissée,
Mon décolleté est trop grand pour le cacher
[Valmour regarde au loin dans la salle]
Hmm, tes yeux me fouettent, je le sens,
D'un chaud et fort battement
Fais moi mal, frappe moi, dis moi qui t'invite
Je suis folle, tout tourne, je vacille, tu m'excites

Valmour
Rébou, sans aucun doute, folle peut-être ; la vérité,
Est que pour te faire prendre, tu mets bien peu de doigté

La Chinoise [hystérique]
Je suis ta prisonnière ooh délivre moi, emporte
Moi hors de ces lieux, arrache ces menottes
Qui m'accablent, prends moi vite dans ta grotte
Sens la prière de mes reins!

Valmour
Ne bouge pas, je reviens…
[il part en courant]

14 novembre 2006

Soustache aux Ass & Dick - 6 - L'invasion des Chômeurs Droïdes

Malgré le changement de situation de Soustache, encore non déclaré aux Ass & Dick, la Production a décidé de prolonger la diffusion de la série, s'inspirant de la ressuscitation d' Eden Capwell, résidente de la charmante ville de Santa Barbara, après une saison entière durant laquelle la partie du monde occidental munie de postes de télévision la croyait morte.
En effet, et nous citons Soustache, "chômeur un jour, chômeur toujours". La jeune cadresse pas toujours dynamique se soucie encore aujourd'hui de l'avenir incertains de ses compagnons d'infortune...
La Production

Les chômeurs n'avaient pas assez de problèmes. On ne leur mettait pas assez de bâtons dans les roues (de vélo). Après la torture de l'heure de pointe, petit plaisir personnel de responsables d'agence ANPE tyranniques et desséchés, après la menace de la concurrence Chinoise, puis Polonaise, puis des Stagiaires Bénévoles, après le dénigrement constant de la classe politique, et les risques sanitaires majeurs engendrés par l'importation du concept d'Happy Hour, une nouvelle épée de Damoclès est suspendue au-dessus de la communauté chômeuse :

Le Chômeur Droïde.


C'est vrai, c'est prouvé, c'est vu dans le Métro du jour. (Métro étant la source d'information principale du Chômeur Lambda, avec le JT de 13h, tout cela est loin d'être une coïncidence.)
"Le handicap de Samantha Schimmer ne se voit pas. Pourtant, "à l'intérieur, je suis en métal", lance cette blonde de 29 ans, sélectionnée pour le job dating organisé par l'Adapt hier, à la Défense et dans douze villes de France." Claire Cousin, Métro du 14/11/2006

Sous-payé et surmotivé, le Chômeur Droïde est le nouveau rival du Chômeur Lambda, qui ne sonne pas sous les portiques de sécurité, qui ne capte pas la radio en levant le petit doigt, et qui ne fait pas le café en baissant le bras.

Très appréciés par leurs employeurs, les Chômeurs Droïdes ont des qualités indéniables : "Quand ils ont un job, ils n'ont pas l'intention de le perdre, [eux]", commente un patron satisfait.

Contre la menace droïde, réagissez! devenez des Chômeurs Bioniques!

ANPE 2018

Playlist : Kraftwerk, We are the robots.

13 novembre 2006

Trophées de la Classe 2006

Halloween, le jour des morts, et la fête des vétérans, qui reviennent peu ou prou à la même chose, sont passés .La dernière ligne droite vers la fin de l'année se profile à l'horizon.
Et si la rentrée est la période des anogénies sérielles, la période dite "des fêtes" est celle des anogénies de synthèse : prendre les meilleurs moments, les meilleures grimaces, les meilleurs fous rire, les meilleures chutes, les meilleurs films, les meilleures productions, quelles qu'elles soient (taureau des landes ou compil' NRJ), les compiler, les classer, trouver un présentateur- humoriste- clown à la propension alcoolique, lui juxtaposer une demoiselle mamelue (point d'ancrage de l'attention du télévoyeur si jamais le PHC vient à faire un flop), et hop, en voilà une anogénie bien chaude!

Mourcil et Soustache, cette année encore, ne seront pas en reste, et participeront eux aussi à l'anogenèse médiatique globale, en vous présentant sur un plateau le fumet délicieux des Trophées De la Classe 2006.


Les Trophées de la Classe, qui sont voués à récompenser les coups d'éclat en termes de prestige, de bon goût, d'élégance et d'esprit dans le discours amoureux, s'ouvriront cette année sur la prestation remarquée de notre premier nominé, Almonzo, dans la catégorie Improvisation Téléphonique.

Notre ami Almonzo, embourbé dans une situation aux répercussions incontrôlées, poussé à l'aveu par une torture auditive, a fait savoir à la demoiselle en demande qu'il l'avait
"fourrée comme on fourre une dent pourrie".

Le jury apprécie la puissance évocatrice de la métaphore, son sens de l'à-propos, ainsi que le jeu sur les sens stratifiés du verbe fourrer.

Réjouissez-vous Françaises, Français, et Francophones du monde entier! l'art de la cour, la galanterie, et la joaillerie du verbe ciselé ne sont pas enterrés! Saluons ceux qui les font vivre!

Playlist : Mai Lan, Bâtards de barbares

09 novembre 2006

Long Gone Fishin'

La pêche à la palangrotte est une pêche à la fois sensuelle et ridicule.

Il faut d'abord s'équiper d'un pavé plat de liège, autour duquel on enroule des mètres et des mètres de fil de nylon. Au bout de la ligne, attacher un plomb, pour lester le fil. On prendra soin de le prendre ni trop lourd, pour ne pas trop empeser la ligne et nuire à sa sensibilité, ni trop léger, de peur que le nylon ne danse trop librement dans les courants de fond. A une trentaine de centimètres au dessus du plomb, attacher un autre fil de nylon. Celui-là portera l'hameçon.


Une fois l'appât posé, on jette le fil par dessus bord, par le plomb, et on laisse la palangrotte se dévider, jusqu'à ce que le plomb touche le fond. On rembobine juste un peu, pour tendre la ligne, et l'on pose le fil sur le sillon creusé par la pliure entre les deux dernières phalanges de l'index.
Et puis attendre, en se laissant bercer par le clapotis sournois des eaux très calmes de la Méditerranée. Se concentrer sur ses sensations, car tout se joue sur ce carré de peau de doigt par-dessus lequel court le fil de nylon. N'être plus que ce petit carré de peau de doigt. C'est exactement là qu'on sentira les subtiles tractions, d'abord timides, du poisson goûtant à l'appât, puis les secousses caractéristiques de la prise.

Ce soir, j'ai sept ans, et je tiens un petit pavé de plastique blanc au fond de ma main, en attendant qu'une vibration distincte me signale qu'un poisson se débat au bout de la ligne. Je ne suis plus qu'une paume en éveil.

Playlist: Serge Gainsbourg, Ces petits riens.


Vous mangeriez de la soupe de chien, vous?

06 novembre 2006

Soustache aux Ass & Dick - 5 - Un mois de chômage expliqué aux enfants

Soustache avait un job. Elle s'y rendait tous les matins, et écrivait sur son ordinateur pour gagner de l'argent quand elle ne buvait pas de café avec ses amis.
Mais un jour, au job, on lui dit qu'il n'y avait plus d'argent. Elle ne pourrait pas revenir prendre des cafés avec ses amis pendant les heures de bureau.
Au début, elle dramatisa un petit peu la situation: qu'allait-elle devenir? qu'allait-elle faire toute la journée?

Mais heureusement, ses amis Almonzo et Hildegude étaient aussi sans travail. Ils l'emmenèrent dans des parcs pour boire des verres. C'était comme le café pendant les heures de bureau, en mieux.
Il faisait beau, Soustache était heureuse.

Parfois, tout de même, elle se sentait un peu clocharde.


Elle recentra sa vie sur des occupations plus personnelles. D'aucuns diraient qu'elle avait chaud aux fesses. D'autres préfèreront dire qu'elle voulait avant tout se rendre utile à la société et apporter bonheur et plaisir à ceux qui le voulaient bien.
Somme toute, ces activités étaient liées à une seule personne. Qui lui rendait bien mal.

Soustache eut alors un petit passage à vide. Les paradis artificiels avec lesquels elle avait bâti un rempart tout autour d'elle commençaient à s'estomper, révélant le vide dans lequel sa vie était plongée.
Elle décida de se prendre en main, et se remis à chercher du job.
Pour les histoires plus personnelles, Soustache pouvait compter sur son ami Mourcil, amoureulogue de grande renommée.

Aujourd'hui Soustache va mieux. Elle a retrouvé un job, de nouveaux amis pour prendre le café, un nouveau bureau... Elle a même un nouvel ordinateur!
Est-ce un travail intéressant, dans lequel Soustache pourra enfin s'épanouir et fuir son vide intérieur?
L'histoire ne le dit pas : vous découvrirez par vous-mêmes, les enfants, et bien assez tôt, que l'apéro c'est plus rigolo que le job!

Soustache aux Ass & Dick - 4 - La Haine (PE)

La Haine (P.E.), Take 1: La voix du téléphone m'avait dit "8h30". Encore un rendez-vous de 8h30, décidémment une manie chez ces professionnels du chômage. Encore une plongée dans le métro aux heures de pointe, avec ses corps compressés, ses relents d'aftershave et de Tahiti Douche à la Vanille de Synthèse, ses petites mains manucurées qui cherchent à s'agripper à la barre déjà grasse, ses regards torves derrière des grilles de Sudoku. Retour brutal à l'étrangeté du monde.

Ils sont pleins de paradoxes, ces professionnels du chômage qui vous font lever tôt, comme tous les gens normaux, pour vous redonner le goût de l'activité, le sentiment d'appartenance à la grande famille de la production de richesses, le sens de la vie, quoi. Alors que franchement, qu'est ce qui donne plus envie de s'inscrire à la grasse mat' à vie que les heures de pointes dans le métro?


C'est donc pleine de bonne volonté que j'arrivais à l'agence ANPE qui m'avait été attribuée par je ne sais quelle loi du hasard, probablement hors de toute logique, en tous les cas bien au-delà de toute considération géographique. Je trouvai follement amusant qu'elle soit située dans une impasse. Bien, bien au fond.
Mon échange avec l'hôte d'accueil, qui lui aussi jouait au Sudoku, de manière à démontrer sa normalité d'actif face aux déficients du travail auxquels il était confronté jour après jour, le fut beaucoup moins, amusant.

"Ah non. vous êtes pas enregistrée aujourd'hui. Vous êtes SURE que vous vous êtes pas trompée de date?"
"Oui. On m'a pas donné beaucoup d'informations, au téléphone, mais regardez, j'ai eu la présence d'esprit de les noter sur mon papier. là c'est la date d'aujourd'hui. et là, c'est l'heure de maintenant."
"Oui, mais vous êtes pas enregistrée aujourd'hui."
"...Ce qui signifie?"
"Ben... vous êtes enregistrée demain."
"...Ce qui signifie?"
"Revenez demain."

Je voulus réclamer une sorte de compensation financière, un geste commercial, pour le dérangement, mais je manquai de café et d'humour ce matin-là.

La Haine (P.E.), Take two : le lendemain, même Odyssée, même heure, même endroit. L'hôte, me reconnaissant, me lance son regard le plus fier quand il m'annonce:

"Oui, aujourd'hui c'est bon, regardez, vous êtes sur la liste."
"En effet."
"Par contre il faut patienter, votre conseiller n'est pas encore arrivé."
"Oui je comprends. 8h30, ça fait tôt."
Ces quelques minutes de vide matinal me permirent de m'imprégner des lieux d'un regard circulaire qui embrassa ce fond d'impasse. ANPE, terre d'espoir. Aux murs, des panneaux d'affichage en liège, partout. Je remarque que celle qui propose les "Offres d'emploi du jour" est désespérément vide. Sur d'autres, de grandes feuilles colorées annoncent joyeusement que "Flunch recrute 100 adjoints de direction" ou encore que "Carrefour vous ouvre ses portes!".
Immense envie de fuir. L'espace est complètement cloisonné ; on retrouve le même carrelage au plafond qu'au sol, à la différence près que le carrelage du plafond est plus propre et éclairé au néon. L'endroit ressemble à un hôpital, ou mieux, à une morgue. Deux yuccas sur le déclin, posés là pour apporter un peu de vie à ces lieux anonymes, échouent misérablement dans leur entreprise. D'antiques panneaux lumineux énoncent des messages humiliants à l'attention des mes compagnons d'oisiveté : "On appelle OOO au bureau".
Des postes de consultation connectés au site de l'ANPE, dont on nous dit qu'ils sont voués exclusivement à la recherche d'information sur les métiers et formation, imposent la station debout...et surtout, ne fonctionnent pas. Quelques vieux magazines sur l'emploi, écornés, trainent sur des tables. Tout est fait pour lâcher prise.
Mon conseiller, nouveau venu à l'ANPE, me reçoit.
Je lui énonce mon parcours professionnel, et il tente de retranscrire mes propos dans un logiciel qui refuse obstinément de s'exécuter. Nous passons l'entretien à tenter de comprendre comment la bête fonctionne.
Alors que je le regarde rougir et s'escrimer contre sa machine, j'entends des voix qui résonnent dans le box d'à côté:
"Non mais franchement, excusez moi de vous le dire comme ça, Monsieur ...., mais vous êtes de la chair à canon, pour ces entreprises! Il faut arrêter de travailler gratuitement, maintenant!" Je n'ose pas écouter la suite.
Finalement, quand il me demande où j'en suis dans ma recherche de travail, je lui réponds que j'ai trouvé un nouvel emploi. Son visage s'illumine.
"Ah, je suis soulagé, parce que en ce moment, on a pas grand chose à vous proposer. Entre vous et moi, s'ils pouvaient tous être comme vous, ça nous faciliterait la tâche."
"Je n'en doute pas".
Alors que je prenais enfin la fuite, bien décidée à ne jamais remettre les pieds dans cet endroit, l'hôte d'accueil me lança un jovial, et pire, sincère, "Bienvenue dans notre agence ANPE! à très bientôt!!"

Playlist : Pink Floyd, Welcome To The Machine.