26 septembre 2007

Une goutte d'eau en moins

Cette information m'a été rapportée par MigouMan, grand lecteur de presse gratuite, doté de l'oeil du tigre et de la vigilance du suricat :


Le cycliste récupère ses points
Le tribunal administratif de Lyon a annulé hier le retrait de quatre points sur le permis de conduire d'un homme qui avait été sanctionné en 2005 pour avoir grillé un feu rouge...à vélo. Ce cycliste avait également écopé d'une amende. Le tribunal a considéré que le retrait de points n'est valable que dans le cas d' "infractions du Code de la route commises au moyen de véhicules pour la conduite desquels un permis à points est exigé". 20 Minutes, mardi 25 septembre 2007
Cher Mourcil, j'espère que cela vous retirera une épine du pied. Courage, il n'en reste que huiiit miiiille six cennnnt quatre-vingt deux!

21 septembre 2007

F.A.R. ya rien a faire

Merci Mozi

15 septembre 2007

Perspectives brisées

Madame Felippé, patronne du El Puente, petit relais d'étape perdu dans la jungle entre Sucre et Santa Cruz, regardait la salle vide de son restaurant de ses deux joues bien rondes.

Il est 20:45.

Ell tapote son comptoir en bois, couvert d'une fine couche de plastique et de tous ces pucerons que la jungle attire et que rien ne chasse. Monsieur Félippé est dans la cuisine, elle le peut le voir manger à travers un petit trou dans le mur son pique lo macho. De temps à autre, il se soulève juste assez pour donner des claques aux poulets cuits, entreposés sur un tabouret, et les débarrasser un instant des différentes bêtes ailées qui les accostent.

Dehors, les enfants jouent avec la glacière, offerte jadis à la mère de Madame Felippé par une communauté franciscaine qui oeuvrait pour le logement des pauvres et l'hygiène alimentaire. Le petit n'arrive plus à se cacher dedans, mais ses grands hermanos lui tapent sur la tete a grand coup de couvercle. Ah, les enfants.

Tout à côté, Jocelyna Minès cherche à prendre toute sa famille dans ses bras comme pour ne jamais les relâcher. Elle part pour un an en pension dans un collège pour filles à une vingtaine de kilomètres. Ses 16 ans dessinent sur elle une beauté qui ne tremble pas, une fraîcheur exceptionnelle dans cette région oú les visages sont si vite terre brûlée et les corps, liane tortueuse. Un collier noir souligne son cou, sa nuque, son regard étincelant, curieux et melancolique à la fois.

"Qu'elle en profite tant que ça dure", pensa Madame Felippé en s'essuyant son front couvert de graisse poussièreuse avec un bout de tablier ou toutes couleurs se trouvaient sauf celle d'origine.

Un grondement fit remuer les deux ampoules jaunies au dessus des huit tables.
La poussière de la route envahit l'espace. Ocre, jaune, pisseuse, acre, puis les derniers soubresauts blancs des graviers écrasés. La porte du bus qui s'ouvre. Le grommellement assoupi d'un troupeaux de corps qui descendent en titubant.
Enfin le bruit que Madame Félippé attendait. Le bus de 17:30 venant de Sucre.

Les silhouettes se pressent vite devant le comptoir. Ce soir, comme tous les soirs, c'est Pollo al Forno. Des bouts de phrases molles sortent des bouches, un vague "poy, poy", répété avec une vague impatience par les premiers, puis par la queue. "Poy?", demande Felippé à chacun avec une feinte indifférence. Poy, poy, répond qui que ce soit, et pour chacun un mou billet toujours tros gros et Madame Félippé qui n'a pas la monnaie, c'est si difficile, tous ces gens qui ont toujours que des billets, comme si elle en fabriquait, des pièces, elle allait etre obligée d'ouvrir sa boite a petite monnaie, devant tous ces gens qui allaient s'imaginer qu'elle était riche, alors que c'était si difficile, de trouver les poulets, il fallait aller les acheter, les plumer, les cuire, et après atendre le lendemain.

Mais Madame Felippé est contente, elle a tous ces visages devant elle, elle tient leur appétit dans sa main, c'est un peu comme si elle était leur mére à tous. La queue devant elle n'a plus de formes, c'est mains et bouches, "poy poy" et billets mous, José, le petit cultivateur de papaye, veut son poy sans riz, Rodrigez tend très haut son billet de 50, grosse coupure et chemise blanche, il a une montre achetée au Brésil avec un gros bracelet en fer, il ne veut pas attendre. Le militaire imberbe passe devant tout le monde et met son billet dans la main de Madame Felippé, Feliciano se fait bousculer, hésite, demande une bouteille d'eau, non, du poy.

Quelques minutes plus tard, Madame Felippé regarde fièrement les 8 tables remplies et les bouches qui mastiquent en silence. Comme toujours, il n'y a pas assez de pollo, mais que voulez-vous.
Dehors, devant la porte, un gringo fume une cigarette. Madame Felippé l'a vu tout à l'heure, devant elle, il avait l'air de demander du pollo en articulant bien "un pollo al forno por favor". Le militaire lui avait peut-etre bien marché sur les pieds. Qu'est ce qu'il croyait, le gringo, qu'il allait etre servi comme un prince? Encore un de ces types venus d'on ne sait ou qui venait chercher de l'aventure. Elle était bien contente d'avoir gardé le poulet pour ses amis, Madame Felippé. Le gringo avait fini par acheter une bouteille d'eau aux enfants en faisant la grimace, avec des gateaux secs. Il avait l'air bien sombre, le gringo, en fumant sa cigarette et en regardant la salle pleine manger son pollo. Au moins un qui ne reviendrait pas.
Près de lui, Rodrigez posait, le bras tendu appuyé contre le bus, le menton bien haut, il parlait aux filles, comme si toute la région lui appartenait.
Apres quelques minutes, le moteur du bus gronda. Les tables se vidèrent dans un grand bruit de chaises. Madame Felippé vit le gringo regarder sa cigarette d'un air idiot, puis il se dirigea vers un vieux squelettique qui rampait a cote du restaurant, en lui tendant ses gateaux secs. El stupido, il n'y avait qu'un gringo pour croire qu'un édenté allait se nourrir de gateaux secs.
Le bus lanca un puissant nuage de poussière.
Et disparut.

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Le ciel se tordait de spasmes de lumières. L'orage etait quelque part loin de là mais ses eclairs se perdaient en dechirant l'obscurité de la jungle.
Dans le bus, tous les corps se soulevaient en hoquetant au rythme des cassures de la piste. La piste, d'ailleurs, n'etait pas vraiment une piste, mais un long couloir de poussière ou defilaient et se croisaient bus, camions, bus, en rugissant et hoquetant sur chaque parcelle de terrain, mille fois eboulée, remontée, ecrasée par les véhicules et toujours si cassante.

Felicida Gomales etait dans un demi sommeil au dernier rang du bus, la bouche a demi ouverte et regardant de ses petits yeux les eclairs par la fenetre.
Il etait minuit, lui avait dit son fils un peu avant. Avec sa belle-fille et sa petite-fille, ils allaient tous a Santa Cruz faire baptiser la petite dernière. Dans deux jours.
Elle avait mis la casquette que lui avait donné son fils pour ne pas avoir froid a la tete, une casquette Nike bleue qu'il lui avait rapportée du Paraguay. Un vrai homme son fils, qui savait s'occuper de sa mère. Elle n'aurait peut-etre pas du le laisser epouser cette bonne a rien qui ne savait pas s'occuper des enfants, mais c'etait fait. De toute façon, elle n'avait pas son mot a dire, et elle saurait bien l'elever, elle.
Broutant ces reflexions, Felicida Gomez sentit un coude lui pousser legerement les cotes droites. Elle garda les yeux fermes. C'etait encore le gringo, pensa-t-elle. Comment etait-ce possible. Elle avait jeté plusieurs incantations avant le départ pour que le trajet se passe bien. La fille assise a coté d'elle au depart était brusquement tombée malade une minute avant le départ. Elle aurait de la place pour dormir, c'est bien la moindre des choses, vu son age et ses jambes qui lui font mal, et puis on pouvait voir qu'elle en avait eu des enfants, elle etait large comme une jetée de quintuplés.
Et puis juste avant de partir, le gringo etait monté. La fille avait du lui vendre la place. La maldita.
En quittant Sucre, elle avait hurlé bien fort un "Sucre, Sucre, loin derrière nous, Sucre, derrière les monts, Sucre, nous te quittons", incantation que son grand-père shaman lui avait apprise et qu'elle repetait a chaque voyage. Le gringo avait bien vu qu'il etait assis a cote de quelqu'un d'important.

Mais depuis un moment, le gringo ne la laissait pas en paix. Comme si elle pouvait tenir sur un seul fauteuil... Et puis sur cette route, elle allait pas faire des noeuds avec ses bras pour les retenir! Il n'avait qu'a rester dans son coin, le gringo. Et puis mettre ses sacs ailleurs. Elle se demandait bien ce qu'il y avait dans ses sacs, d'ailleurs, Felicida Gomales.
Elle tourna la tete, donna de l'aise a son fessier, et s'assoupit en ronflant.

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Le bruit d'air qui venait de la roue ne faiblissait pas.
Debout devant l'enorme boudin qui avait subit tant de fois les colères de la piste, Josué restait silencieux, et cherchait a se rappeler la derniere crevaison qu'il avait vu sur cette route. Le mecano tournait silencieusement autour du bus en machouillant un enorme chicot de coca et en tapotant sur les roues avec une tige en fer. Une seule roue de foutue, rien de trop grave. Chauffeurs et mecanos commencerent a decortiquer la machine, a ouvrir boulons, clefs, carrosserie.
Josué contemplait, toujours fasciné par les machines.
Mais il donnait des coups d'oeil a cote de lui.
Un gringo etait assis la, silencieux. Le gringo lui avait donné non "un cigarillo", mais "un cigar", une Camel. Il ne savait pas pourquoi. Et maintenant il ne regardait pas la roue.
Il faisait des bulles. Des bulles de savon, en soufflant dans un petit rond.
Et il regardait ses bulles. Son visage etait couvert de poussière, et il apercevait a peine ses yeux, qui suivaient les bulles dans l'air. Elles ne duraient pas très longtemps, la poussière les ecrasait en un instant.
Ils sont souvent bizarres, les gringos, pensa Josué, mais celui la, il est soit completement fou, soit très sage. Le gringo tourna la tete vers Josué. Il avait l'air triste que les bulles ne durent pas.
Vraiment tous fous, ces gringos.

Le mecano ouvrit le coffre du bus, tapota sur la roue de secours avec son pied de biche. Elle etait foutue elle aussi.

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Le guichet ouvrait a 8:00, il etait 8:30, donc ca ne devrait plus trop tarder, se disait Esti, basque trentenaire qui portait ses rastas, ses poils et ses sandales comme l'etendard de son combat. Ce combat, en Bolivie, avait été bien difficile. Le Mouvement avait tout pour prendre de l'essor dans le pays, pourtant. Comme au Brésil, la terre était détenu par quelques uns, les campesinos s'accrochaient a des lopins. Plus qu'au Brésil, les paysans sont écrasés par les grands possédants, par l'Etat, sont jetés à la rue par les cours mondiaux du soja. Elle était partie, confiante, résolue, jamais elle n'avait renoncé une seule fois en cinq ans.
Mais depuis qu'elle avait quitte le Brésil s'etait arraché de Tabota, un grand et beau noir de la favela de Rio, elle avait senti que quelque chose n'allait pas. Arrivèe a La Paz, elle s'etait fait depouillée dans un taxi. Accueillie dans une communauté guarani au sud du Chaco, elle n'avait trouvé qu'indifférence, méfiance, mépris, aussi. Che Guevara s'etait perdu a cet endroit. Elle n'avait pas à rougir. Pour une fois, elle abandonnait.
Laissant la joie de retrouver le Brésil l'envahir, elle attendait impatiemment l'ouverture du guichet du Regional, le train poussiereux qui l'amenerait de Santa Cruz a la frontiere, apres 24 heures de trajet et de moustiques.
Elle regarda a cote d'elle. Il y avait un blanc, un europeen, visiblement, avec un sac. Il avait du faire un tour de la region. Il pleurait. Comment pouvait-il etre triste de quitter la Bolivie? Elle etait tellement heureuse de retrouver le Brésil.

13 septembre 2007

Congémaladie/Groundhog Day

Après une absence que certains auront trouvé longue, Soustache réapparait sur les ondes. Nous avons identifié l'origine du problème, chassé le pigeon qui avait nidifié sur l'antenne, et vous proposons un épisode inédit pour nous faire pardonner.
La Production

Aujourd'hui n'est que douleur. Bien heureusement, notre Etat-Papa a tout prévu. Pour les jours comme ça, il existe une chose miraculeuse, un don à la fois très petit et immense, un trésor caché, un îlot de liberté, une pendule cassée, un rideau qui s'ouvre, un monde oublié qui réapparaît. Pour les jours comme ça, l'Etat-Papa a prévu le Congémaladie.

Dans une temporalité stromboscopique, le Congémaladie est une pause, un moment où toutes les lumières s'allument, ou s'éteignent. Le Congémaladie, diront ceux qui me connaissent un peu, c'est, comme les Ass&Dick, constitué principalement d'une horizontalité éclairée par la lumière du jour, avec du sang dans les urines en plus... et la sensation extraordinaire que votre mal s'est mué en superpouvoir, celui d'arrêter le temps et de marcher entre les corps figés.

Quand le monde s'arrête, c'est l'occasion de se replonger dans le passé. Et de découvrir, avec une certaine stupéfaction, que TOUT EST DEJA ARRIVE. Tout ce que Soustache et Mourcil ont pu ressentir, vivre, découvrir depuis ces derniers mois, tout avait déjà été écrit. en Févriermars 2004. J'en avance pour preuve ces quelques bribes d'archives redécouvertes par Almonzo, l'architecte de Bagdad mais aussi l'archéologue de mes vies passées, encloses dans des tablettes d'avant 2005 (c'est dire) :
Mourcil : tu sais ce qui ne va pas avec nous? on gère notre sentimentalité en kholkoziens, dans la crainte de la pénurie. Alors qu'en fait il y a plein de monde sur terre et que c'est L'ABONDANCE qui nous attent. Souste, je crois que je suis en train de faire le choix de l'abondance. (26.02.2004)

Mourcil
: C'est comme si je tombais dans un grand gâteau à la Chantilly, mais très très lentement, de telle sorte que je tombe depuis hier soir sans choir.

Mourcil
: j'ai l'impression d'avoir une vie certes géniale, mais pourrie aussi. (28.02.2004)

Févriermars 2004 contenait aussi en lui tous les germes des choses advenues par la suite, les décisions et résolutions qui devaient animer toute une vie. et toute une autre vie.
Mourcil : Faudrait que je bouge, en fait. à Berlin, à Tokyo ou que sais-je, avec plein de teufs tout ça (28.02.2004)

Mourcil
: Veut plus de vie de couple. Veut une histoire de corps. je suis prisonnier de cette décennie pourrie...j'aurais été le Sex God des années 70!

Mourcil
: Si on écrivait un roman à deux mains?
Soustache : à quatre
Mourcil : 4 semble faire beaucoup, non?
(...)
Mourcil : vais commencer à écrire des bouts de trucs, et ça évoluera comme ça devait évoluer. (03.03.2004)

Soustache : pour fêter ça, je me fais Gerry à 19h45.
Mourcil : What is Gerry? (03.03.2004)

Soustache : Je veux passer plus de temps à boire qu'à non-boire
Mourcil : J'ai une phrase parallèle dans ce genre, mais je la garde pour moi.
Soustache : mon petit doigt m'a soufflé la phrase interdite.

Il y eut aussi des insultes et bonnes phrases, à garder sous le coude, car amenées à resservir :
"anus boursouflé" /"verge variqueuse",
"Je sens que ça va être gracieux comme une mayonnaise de macdo", "
"je l'ai rangé au rayon gros con de mon supermarché intérieur",
"ça me troue le cul de tristesse",
"c'est de la merde de haut rang, ouais, c'est de la connerie impériale et du foutage de gueule passé à la feuille d'or!"
"Pas de 'tout ce que je veux c'est son bonheur', je vomis sur ce genre de phrases, je vomis du café et de la baguette tradition céréales!"
"Je n'ai plus envie de sauter par la fenêtre. C'est un grand pas en avant, si je puis dire"

Puis des choses incompréhensibles, des oracles qui parlent probablement d'un futur qui reste à créer :
Soustache : Je suis déconnectée de cette réalité qui n'est pas la mienne. Pour moi, Aristide restera toujours un perroquet qui n'a pourtant jamais existé. (20.02.2004)

Soustache : un jour, on comprendra comment on peut scotcher une bouteille par terre. un jour (08.03.2004)

Mourcil : Chevelus nous resterons, échevelés du grand tapis!" (11.03.2004)
Ces quelques mots, pour conclure :
Mourcil : Beaucoup de choses ont changé dans ma tête ce mardi entre midi et midi trente.
Soustache : Et beaucoup de choses changeront entre maintenant et tout à l'heure.
Mourcil : bof.
Soustache : puis entre tout à l'heure et ce soir, entre ce soir et demain, entre demain et le jour de l'an de l'année 2008.
Mourcil : je sais, on a l'air idiot.
Soustache : idiots. (11.03.2004)




11 septembre 2007

Message à caractère personnel

La sudamerica est un endroit qui ressemble beaucoup a une vie humaine.

Il y a des coins avec des grandes feuilles de bananier, avec des gamins qui jouent a street fighter.
Des endroits tres propres, avec des bus a l'heure comme un consultant, des pins tout droits qui regardent la pampa d'un oeil venteux.
Des endroits très hauts, très exposés, très secs, oú la nuit est toujours froide et chacun s'effraie qu'elle pourrait ne jamais s'arrêter.

Il y a les flots de la jungle oú il n'y a ni terre, ni eau, ni ciel, mais une immense étuve qui presse chaque forme de vie dans un sens où dans un autre.

De façon plus ou moins simple, on peut se rendre d'un endroit à un autre et y rester en s'y plaisant.

En Bolivie, c'est le début de la guerre civile. Le pays qui ressemble le plus, peut-être, à un caractère humain. 200 changements de régime en 181 ans. L'enjeu, c'est de redonner à Sucre son vrai statut de capitale pleine et entière, grignotée dpeuis des années par La Paz, par la paix, donc. Entre Sucre et La Paix, c'est un combat larvé, un peu bidon parce que l'enjeu est surtout exploité par des anciennes figures autocratiques des années 80, mais qui ratisse large parce que Sucre c'est la démocratie, et La Paix la simplicité. L'attachement à la tradition, car Sucre fut désignée par el Libertador Bolivár, ou le world wide web, car les cybercafès de La paix sont beaucoup plus rapide que celui de Sucre.
Qui sait où tout celà nous emmènera.

Bon voyage dans ta nouvelle année, Soustache, en te souhaitant qu'elle ait tous les charmes de la sudamerica.

10 septembre 2007

La main dans le Potosi

Mel Gibson, un jour, est venu un dimanche apres-midi a Potosi.

Car que faire quand on s'ennuie un dimanche a Potosi, petite ville miniere perchée á 4500m a l'ouest de l'altiplano bolivien? C'est jour du seigneur, le musée de l'argent est fermée, les mines - qu'on peut visiter pour regarder la vitesse a laquelle un etre humain se transforme en minerai - sont fermées. La cathédrale est fermée, pour raccomoder ses habits baroques honorés quotidiennement par des Boliviens qui ont mis sur la vierge marie toutes les vertus de la Pachamama inca, la maman-terre (a ne pas confondre avec la femme-vulve).

Habilement, seul un musée reste ouvert en ce jour sacré. Celui de Santa Terasa, que le rouble et traitre Lonely Planet présente comme un must pour les fans de la flagellation.

Impatient de voir fouets et crocs, becs de plombs et harnais de sacrifice, le visiteur inconscient, dont Mel Gibson, se presente devant le grand portail vert. La, un individu quasi-humain explique tres vite avec une levre tenaillée de haut en bas, a peine retenue par un bout de scotch, que l'entree n'est pas la, plus loin, s'enerve, tape sa main avec une superbe matraque de bois d'apparence guarani. Une belle mise en bouche.
Un superbe traquenard.

A la loge, on paye un ticket. Oh, tiens, le plus cher des musées boliviens. La femme qui tient l'endroit s'occupe de ses plantes avant le visiteur. On finit par rentrer, legerement inquiet devant le nombre de tableaux de Saint Francois.

L'enfer est donc pavé de Saint Francois.

On rejoint un groupe de gens devots dans une salle ou deux squelettes de nonne siegent au fond d'une fosse en verre.
La visite avait deja commence.
Un extrait de femme toute petite dodeline sur ses jambes, explique d'une petite langue seche derriere et humide devant que la vie au monastere est tres stricte. Les contacts avec l'exterieur prohibes, des grilles a clous empechent qu'on s'approche des grilles.

Dans ces quelques metres carrés que forment 2 patios et 7 ailes de batiment sont concentres toutes les representations les plus gores de jesus, de la passion, et des saints. Quand il n'y avait pas assez de sang sur l'original, les successeurs en ont rajouté. On trouve ainsi des San Thomeus au regard tres stone, macules de ketchup en regardant de ses yeux remplis de coca le monde meilleur, la haut, tout de blanche mayonnaise.
Car la coca etait tres admise au couvent, comme medicament.
Tout est orgie de degoulinements sanglants, de trous de chair et de souffrance physique ponctuées de regards completement a coté du sujet.
Dans une salle, coquetterie d'artiste, les saints sont représentés tenant dans leur main l'instrument de leur martyre. C'est castorama chez saint pierre, tout le monde est content avec qui ses clous, son marteau, son epee.
Un des saints a l'identite inconnu traine systematiquement un grand sabre au milieu de la tete, en regardant le ciel qui l'a bombardé de hallebardes.

Dans des micro chappelles aux fenetres dorés soulignant la dorure intégrale de chaque goutte d'espace, des poupées de porcelaine aux yeux louches trainent de grandes panoplies de draps majestiques. A cote, une chouquette ressemblant a Marie tient dans ses bras un petit jesus au visage de sarkozy et exprimant d'une main ferme un salut scout.

Le petit public devot salue chaque detail. Une vieille femme indigene, pliée en deux par la vie supportée avec ses congéneres, marmonne des pater devant les habits des pretres. Tout le monde a mis du parfum pour l'occasion.

La visite dure. Les christs ensanglantés comme des biftecks deviennent hilarants et agressifs a la fois. C'est de l'art influencé par Madrid, dit l'extrait de femme a la demarche de calimero. Tout devient sang, souffrance, on sent la surenchere des moines commandant leur portrait : moins de chair! plus de clavicules! plus tordus les yeux!
Dans cette ville miniere ou l'esperance de vie des esclaves miniers etaient d'une demi-annee, des moines et des nonnes s'evertuaient dans un decor doré a sauver des ames par la force de leur sacrifice, le silence, le repas unique par jour consistant en 2 cuillerees de soupe. Et le commerce de confiture.

La fin arrive enfin. On part vers le grand portail.
L'extrait de femme me fait signe. "Non non, vous pas encore".
Arrivé en retard, la petite voix m'emmene refaire l'integralité du parcours. En tete a tete. Sans devot pour opiner et fermes les yeux de joie.


A la sortie de la Passion du Christ, tout le monde se demandait ou Mel Gibson etait allé chercher tout ca.
C'est évident, c'etait a Potosi.