10 septembre 2007

La main dans le Potosi

Mel Gibson, un jour, est venu un dimanche apres-midi a Potosi.

Car que faire quand on s'ennuie un dimanche a Potosi, petite ville miniere perchée á 4500m a l'ouest de l'altiplano bolivien? C'est jour du seigneur, le musée de l'argent est fermée, les mines - qu'on peut visiter pour regarder la vitesse a laquelle un etre humain se transforme en minerai - sont fermées. La cathédrale est fermée, pour raccomoder ses habits baroques honorés quotidiennement par des Boliviens qui ont mis sur la vierge marie toutes les vertus de la Pachamama inca, la maman-terre (a ne pas confondre avec la femme-vulve).

Habilement, seul un musée reste ouvert en ce jour sacré. Celui de Santa Terasa, que le rouble et traitre Lonely Planet présente comme un must pour les fans de la flagellation.

Impatient de voir fouets et crocs, becs de plombs et harnais de sacrifice, le visiteur inconscient, dont Mel Gibson, se presente devant le grand portail vert. La, un individu quasi-humain explique tres vite avec une levre tenaillée de haut en bas, a peine retenue par un bout de scotch, que l'entree n'est pas la, plus loin, s'enerve, tape sa main avec une superbe matraque de bois d'apparence guarani. Une belle mise en bouche.
Un superbe traquenard.

A la loge, on paye un ticket. Oh, tiens, le plus cher des musées boliviens. La femme qui tient l'endroit s'occupe de ses plantes avant le visiteur. On finit par rentrer, legerement inquiet devant le nombre de tableaux de Saint Francois.

L'enfer est donc pavé de Saint Francois.

On rejoint un groupe de gens devots dans une salle ou deux squelettes de nonne siegent au fond d'une fosse en verre.
La visite avait deja commence.
Un extrait de femme toute petite dodeline sur ses jambes, explique d'une petite langue seche derriere et humide devant que la vie au monastere est tres stricte. Les contacts avec l'exterieur prohibes, des grilles a clous empechent qu'on s'approche des grilles.

Dans ces quelques metres carrés que forment 2 patios et 7 ailes de batiment sont concentres toutes les representations les plus gores de jesus, de la passion, et des saints. Quand il n'y avait pas assez de sang sur l'original, les successeurs en ont rajouté. On trouve ainsi des San Thomeus au regard tres stone, macules de ketchup en regardant de ses yeux remplis de coca le monde meilleur, la haut, tout de blanche mayonnaise.
Car la coca etait tres admise au couvent, comme medicament.
Tout est orgie de degoulinements sanglants, de trous de chair et de souffrance physique ponctuées de regards completement a coté du sujet.
Dans une salle, coquetterie d'artiste, les saints sont représentés tenant dans leur main l'instrument de leur martyre. C'est castorama chez saint pierre, tout le monde est content avec qui ses clous, son marteau, son epee.
Un des saints a l'identite inconnu traine systematiquement un grand sabre au milieu de la tete, en regardant le ciel qui l'a bombardé de hallebardes.

Dans des micro chappelles aux fenetres dorés soulignant la dorure intégrale de chaque goutte d'espace, des poupées de porcelaine aux yeux louches trainent de grandes panoplies de draps majestiques. A cote, une chouquette ressemblant a Marie tient dans ses bras un petit jesus au visage de sarkozy et exprimant d'une main ferme un salut scout.

Le petit public devot salue chaque detail. Une vieille femme indigene, pliée en deux par la vie supportée avec ses congéneres, marmonne des pater devant les habits des pretres. Tout le monde a mis du parfum pour l'occasion.

La visite dure. Les christs ensanglantés comme des biftecks deviennent hilarants et agressifs a la fois. C'est de l'art influencé par Madrid, dit l'extrait de femme a la demarche de calimero. Tout devient sang, souffrance, on sent la surenchere des moines commandant leur portrait : moins de chair! plus de clavicules! plus tordus les yeux!
Dans cette ville miniere ou l'esperance de vie des esclaves miniers etaient d'une demi-annee, des moines et des nonnes s'evertuaient dans un decor doré a sauver des ames par la force de leur sacrifice, le silence, le repas unique par jour consistant en 2 cuillerees de soupe. Et le commerce de confiture.

La fin arrive enfin. On part vers le grand portail.
L'extrait de femme me fait signe. "Non non, vous pas encore".
Arrivé en retard, la petite voix m'emmene refaire l'integralité du parcours. En tete a tete. Sans devot pour opiner et fermes les yeux de joie.


A la sortie de la Passion du Christ, tout le monde se demandait ou Mel Gibson etait allé chercher tout ca.
C'est évident, c'etait a Potosi.

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