12 octobre 2006

4e épisode delasaga : Tourner de volant vs. JC Dus

La nuit.
La grande salle de bain du monde est remplie de cette eau hachée menue qui remplit l'air comme une multitude de petits poils mouillés. Le sort de l'humanité peut basculer sous l'effet de ces minuscules bouts de barbe qui sont comme des sortilèges balancés devant la cheminée par une petite fille blonde à Christopher Lee.
Et ainsi en fut-il de mon propre sort, debout-tout-seul devant mon immeuble, petit pion sur l'échiquier spielbergien.
À l'instant précis où j'avance vers Fidel Destriero, Bycycle Ô Bycycle, Père de tous les Vélos, une silhouette glisse dans la nuit.

Une mélanielaurent.

Entendons-nous, pas Mélanielaurent, une mélanielaurent. C'est à dire un port de tête étherien, un regard atmosphérique, et puis un corps. Brune. Mais c'est tout, par exemple, pas la bouche, ô cette bouche.

Tout moy se fige.
Elle passe à 10 cm de moy ; Tout moy s'interroge, puis regarde la route de son côté. Puis de l'autre côté, direction Vitrine. De son côté. Vitrine. Côté. Vitrine.


7:01. L'oeil ouvert dans la nuit cligne.
La porte de l'école-à-conduire s'ouvre. J'avance vers la voiture en compagnie du saint-bernard-hibou.
Je dis : la voiture, je pourrais dire : le cendrier.
Tout étonné d'être là, j'écoute distraitement RTL en regardant bouger les lèvres du hibou-genou et en pensant à mélanielaurent, et puis aussi à Jane, parce que les relations d'idée, il faut savoir les regarder comme un grand spectacle en se laissant prendre par la main.

Chose étonnante dans cette école-à-conduire, ce matin j'ai conduit.
Au rythme des flashs RTL, et en faisant parler le hibou comme on fait parler son chien, avec un sourire gentil, en secouant la tete de temps à autre. En l'espèce, aussi en faisant 1000 tours de pâtés de maisons - mais il fallait bien ça pour aller jusqu'au bout de ses besoins.

Dans le décor impérial de la BNF vétue de réverbères et de brouillard, impassible tel un respirateur tantrique, Deusanssisse glisse.
7:05 : "non non monsieur, tourner de volant ne va pas du tout"
7:10 : "vous savez, moi, cette histoire de bébés congelés, je trouve ça fou. Parce que bon, quand même pas se rendre compte que sa femme est enceinte, faut avoir les yeux bouchés
7:15 : "vous savez, moi, j'ai ma petite idée sur cette histoire d'allemande kidnappée. Elle a ptête bien été enlevée au début, mais après, j'ai bien l'impression qu'elle est tombée amoureuse"
7:25 : "vous savez, il y a quelques jours, on a balancé une bouteille de ricard du haut d'un immeuble sur ma voiture. Non non non, qu'est-ce que je dis. Pas du Ricard, du Pastis 51 [en articulant bien "51"]
7:35 : "vous savez, moi, vous, les jeunes, je vous plains. Par rapport à mon époque, je vois bien toutes les différences. On pouvait dire merde à son patron le vendredi parce qu'on en trouverait un autre pour le lundi"
7:45 : "vous savez, moi, je suis pas raciste, mais quand même, je préfère travailler avec beaucoup de chinois que d'autres qui viennent de d'autres endroits"
7:55 : "c'est très bien, la prochaine fois, vous ferez l'accélérateur et les vitesses.

Moralité : quand ça sent le tabac quelque part, faut pas pousser beaucoup un saint bernard pour qu'il se transforme en jean-pierre-pernaud.


Auto-école : 3 - Mourcil : 1

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